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La nuèit, lo jorn (La nuit, le jour) - Ulisses Azibèrt. Version française de l’auteur. L'aucèu libre.
Type | Broché |
Année | 2020 |
Langue | Français + Occitan Languedocien |
Pages | 132 |
Format | 10 x 17.5 cm |
Distributeur | L'aucèu libre |
ISBN | 978-2-917111-59-8 |
La nuèit, lo jorn - Ulisses Azibèrt
(La nuit, le jour)
Tu, ma sòrre, ara qu’as daissat la branca coma l’aucelon que pren la volada, sabi que, coma ieu, ba saupères tot tre la debuta sens ba saupre, e que visquères dins aquel ressentit curiós que la realitat èra pas la realitat a de bon, qu’una engana s’èra enfurgada aquí dedins coma un escòrpi jos una pèira de la garriga.
Toi, ma soeur, maintenant que tu as lâché la branche comme l’oiseau qui s’envole, je sais que, comme moi, tu as tout su dès le départ sans le savoir et que tu as vécu avec cette sen-sation curieuse que la réalité n’était pas la réalité vraiment, qu’une tromperie s’y était dissimulée comme un scorpion sous une pierre de la garrigue.
Version française de l’auteur.
Éditions L'aucèu libre.
Article critique:
Etat pas si civil
Ulysses Azibèrt, dans un beau premier roman, à cœur ouvert et sourcils très froncés, décrit le sillage d’un inceste.
Alors que tout ce qui vient de l’extérieur de nos communautés est, souvent à tort, considéré comme néfaste, dangereux, un chiffre surprend. Un français sur dix aurait été victime d’inceste ? La famille, entité sacrée voire consacrée, n’a-t-elle pas toujours été le premier foyer de malignité ? Si le livre « La Familia Grande » de Camille Kouchner défraie la chronique en présentant des protagonistes cultivés, propres sur eux, aussi puissants que germanopratins, d’autres ouvrages paraissent presque en catimini et sous nom d’emprunt. Ils évoquent des gens de peu, vivant dans de lointaines provinces. Il en est ainsi de ce roman bilingue, français-occitan publié cet automne relatant un fait survenu, il y a plus d’une soixantaine d’années. Un secret de famille que l’on croyait celé et qui de décennie en décennie continue de ronger ses membres telle une insidieuse métastase ou maladie génétique. Ici le narrateur ne décrit pas uniquement cette lumière noire, les intuitions brumeuses, le mal qui a pu l’oxyder, détériorer sa psyché et sa maturation. Il évoque des faits, des éléments contradictoires, les met en relation, quête une vérité, en seize chapitres, un peu à la manière d’un feuilletoniste du XIXième siècle. Tout commence par une leçon de morale sur le remord (sic), dans une école d’un petit village, proche de la mer et des étangs méditerranéens. L’institutrice, Marlène, est la mère du narrateur. Dans le second chapitre, il est question d’une petite fille de douze ans “violée“ par son frère de quinze dans les années cinquante. De cette “union“ naîtra Mylène, un temps placée au bureau des abandons, par un grand-père policier. Il est ici curieux de constater comment l’Etat lui-même collabore à l’escamotage, le Tribunal certifiant que Mylène est bien la fille de ses grands-parents. Cette enfant mystère bénéficiera de l’ascenseur social qui permettait alors aux enfants modestes d’accéder à l’éducation. Elle deviendra professeur de français, publiera une thèse sur Le thème de la nuit dans la poésie de Paul Eluard. Lorsqu’à près de cinquante ans, en lavant sa mère, elle découvre qu’il s’agit en fait de sa propre grand-mère, l’arbre généalogique se met d’un coup à trembler furieusement. Le narrateur apprend ainsi que sa tante est en fait sa demi-sœur aînée, que les enfants de cette dernière sont ses neveux, que son oncle devient son beau-frère et que sa propre mère victime à douze ans se terre dans le déni. Il en veut à cette femme qui pour oublier cette “tâche noire“ s’est mise au service de la lumière et de la diffusion des valeurs républicaines associées à un vif engagement communiste, qu’il qualifie de stalinien. Pravda signifiant Vérité. “Vérité officielle“. Il rend ici un vibrant hommage à sa demi-sœur décédée d’un cancer quelques années après la découverte de sa véritable filiation. L’écriture alterne minimalisme et lyrisme, parler populaire, trivialité, comptines occitanes, diatribes, considérations philosophico-sociologiques, envolées poétiques. Souvent un mot, une formule émerge, ponctue. D’autres phrases s’invaginent ou tels les lierres se projettent vers des hauteurs ou des abîmes introspectifs. Sous une lumière noire, on perçoit des éclats de beauté. « Devenir vieux, c’est apprendre à parler avec les morts, à les faire parler, à les débusquer comme des grillons dans leur abri de terre. C’est apprendre à leur ouvrir son cœur. C’est apprendre à rêver leurs rêves, à marcher avec eux dans les pays vertigineux des images figées à la semblance de leurs souvenirs. C’est apprendre à les amadouer doucement, sans leur faire peur, pour qu’ils s’apprivoisent petit-à-petit, pour qu’ils s’accoutument comme des bêtes craintives, pour qu’ils viennent à fleur de temps comme des poissons au ras de l’eau, comme le doigt qui effleure le tissu transparent. »
Article de Dominique Aussenac, du “Matricule des Anges”, 2021.
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